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#1 Récit de Séance

Dernière mise à jour : 15 août 2019

Tout d’abord, ce récit se fait avec l’accord des personnes accompagnées. L’anonymat est garanti et je leur ai laissé le loisir de choisir elles-mêmes leur pseudo. Ce fut un plaisir de découvrir leur choix puisé dans la symbolique de prénoms japonais.


Ce matin-là, j’arrive pour ouvrir le Centre, peu fréquenté par mes collègues en vacances et leurs clients en cette période estivale.

Elles sont déjà là, bavardant sur le parking avant de pouvoir s’installer dans la salle d’attente. Je les salue à distance, les laissant finir de savourer des délices de la boulangerie bio voisine. Je connaissais déjà Nansei et Miwa. Nous nous étions rencontrées lors d’une conférence que j’animais sur « Etre soi et rencontrer l’Autre ». Nos échanges avaient largement dépassé ce thème et ouvert des réflexions sur leurs relations familiales et leur héritage parental. Ma formation en systémie semblait avoir attisé leur curiosité alors qu’elles étaient en recherche sur un potentiel accompagnement.

Ça y est, tout le monde prend place sur le canapé d’angle de mon cabinet. Les sourires sont au rendez-vous dans un climat chaleureux et détendu. Nansei s’assoit sur l’aile droite alors que Miwa et Hoshi se posent rapprochées sur la banquette adjacente. Je ne sais pas encore qu’elles se sont naturellement placées dans l’ordre de la fratrie marquant aussi un détail de lien du sang que vous découvrirez plus tard.

La discussion s’engage spontanément avec Miwa, l’initiatrice de ce RDV. Lors de notre rencontre, j’avais expliqué que je recevais aussi différents membres de la famille ensemble et qu’en tant que systémicienne, j’étais formée à ce genre d’accompagnement et à la thérapie familiale. Miwa éprouvait cette nécessité du travail collectif, Nansei acceptait de s’associer à la démarche. Il ne restait plus qu’à proposer à Hoshi. Miwa avait rempli sa mission.

C’est ainsi qu’elles se retrouvent toutes les 3, réunies dans mon cabinet dans un objectif de « nettoyage » familial.

Tout en posant les fiches d’informations administratives à leur faire remplir, les échanges sont déjà intenses portant sur les fonctions de chacune dans le système familial et comment chacune s’était retrouvée à jouer un rôle malgré elle. Elles parlent avec sincérité et sensibilité les unes après les autres. Je boude sans regret mes fiches laissées sur la petite table basse, elles attendront un moment plus opportun.

En une heure, tout y est. Elles se racontent dans leurs blessures personnelles, dans les injonctions involontaires de l’histoire familiale, dans les événements marquants de l’enfance, dans le regard qu’elles portent sur leur mère, sur leur père. Elles sont touchantes, touchantes de vérité, touchantes dans leurs saines intentions, touchantes dans le respect qu’elles s’accordent au-delà des tensions et des incompréhensions passées, touchantes dans leur écoute, touchantes dans leurs mises à nu. Je suis présente, dans l’écoute et dans la reformulation. Je joue comme toujours l’enquêtrice. Je questionne, collecte des informations et dresse des hypothèses qu’elles valident, réfutent ou laissent en suspens.

Au-delà du discours, une autre communication se fait. La forme et le déroulement des échanges témoignent des places, des modes d’expression, des personnalités de chacune et des relations. Elles sont, tout simplement. Et elles sont aussi leur histoire, en écho les unes aux autres et prisonnières encore.

Miwa est la première à s’être exprimée par des analyses fines, portant la volonté du changement et de l’avancement, désireuse de sortir d’un rôle qui l’emprisonne à vouloir extirper tout le monde des freins familiaux, tout en s’accrochant à cette sororité ressourçante. Elle est comme la locomotive, attachée au collectif.

Nansei, l’aînée, fille d’un autre père inconnu, ramène sa lecture avec une sensibilité aiguisée, tout en exposant ses besoins, ses peurs. Elle se définit comme étant celle qui ramène le lien entre toutes, parfois protectrice, parfois dans sa nécessité de survie mais toujours reliée.

Enfin Hoshi parle de façon plus sporadique, dans une sorte de toile de fond dont la fonction n’apparaît pas clairement dès le départ. Régulièrement, elle porte sa main sur la bouche. Elle apparaît pudique, très sensible à l’harmonie relationnelle et aux qualités d’échanges. Très souvent, elle affiche un grand sourire, comme soulagée de ce qui est dit. Elle est la petite dernière et sait qu’elle est la protégée, bien que l’histoire l’ait rattrapée, la poussant dans des situations de vie très insécurisantes. Elle porte des symptômes émotionnels et Nansei des symptômes plus pathologiques, montrant les dysfonctionnements du système et les problématiques non réglées.

Il baigne dans mon cabinet un flot d’amour et de bienveillance au-delà des histoires traumatiques, un flot dont je ne peux m’indifférer. A plusieurs reprises, je suis traversée par de douces sensations qui me font toucher de près une authentique sororité.

Je leur propose alors de les mettre dans une situation pour se libérer individuellement et collectivement du passé, des histoires et des injustices. Elles acceptent, décidées et confiantes.

Il est temps pour moi d’impulser un dialogue plus précis avec leur inconscient maintenant. Je pioche alors dans ma boîte à outils et je leur propose des photographies. Ma banque d’images ne me quitte plus aujourd’hui dans mes accompagnements et permet très souvent l’accès à l’inconscient, comme un tremplin. C’est en cela que j’aime la photothérapie car je m’émerveille toujours de ce que les images permettent de faire dévoiler.

Trois sœurs, trois photographies. Chacune la sienne.

De nouveau, la parole révèle ce que chacune porte du système familial et qui les a poursuivies dans leur histoire personnelle. Toutes se sentent concernées par les photos des unes et des autres. C’est grâce à cette étape que le rôle de Hoshi apparaît : elle est porteuse des secrets. Se taire, c’était sa mission. Au-delà de son histoire, elle montre tous les non-dits cachés dans la famille.

Tous les poids sont alors nommés : violence, maltraitance, perversité, jugement, non-dits, secrets, rapports de force, manipulation, abus/viols, inceste.

Le temps de la libération est venu. Cette fois, c’est le corps qui sera sollicité. L’expression corporelle a ce don de dire sans les mots et de laisser exprimer l’émotionnel. La mise en jeu est là, et c’est les unes après les autres puis ensemble qu’elles le vivent, encore, dans l’écoute, testant et finissant par se mettre d’accord pour expulser ces images témoins des maux. Je garde les détails du comment, parfois tout ne se raconte pas.

A l’issue de cette phase, je sens Hoshi avec encore un « petit » quelque chose non exprimé - humm, peut-être pas si petit que ça - . Ses sœurs se sentent allégées. Hoshi porte la colère qui se tait, insidieusement encore.

Et bien ce sera la Colline aux aïeux ® (je pense à Dominique Lamari, ma formatrice à qui je dois tant et qui en est l’auteur), outil de tri dans l’héritage familial qui utilise la visualisation. J’accompagne Hoshi dans un voyage où elle se déleste, prend des ressources et les ancre. Ses sœurs sont assises à côté d’elle et vivent l’expérience, émues. Cela vient réveiller des douleurs pour Nansei, des manquements parentaux. Elles les expriment dans l’émotion et dans la voix. Je lui propose de relier la mère qu’elle est à la petite fille en elle par une expérience physique, une petite touche personnelle que j’utilise très souvent dans mes accompagnements du JE de l’Etre, quelque chose qu’elle pourra réitérer encore chez elle autant de fois que nécessaire. Elle est apaisée, consciente qu’elle chemine dans un deuil.

Pour finir, en ronde, je les invite en silence à trouver comment se positionner ensemble. Les yeux fermés, elles testent, vérifient ce qui n’est pas juste dans leur corps. Je les interroge. Miwa constate que ses sœurs sont en appui sur ses mains et que son corps se met en tension. Il me semblait bien avoir vu ses biceps contractés… Toutes évoquent ce rôle de pilier qu’elle endosse dans ce fonctionnement. De nouveau, elles s’essaient à trouver le bon contact avec les mains, la bonne distance… Enfin. C’est juste, pour toutes. Leur corps le sent. Elle forme un ensemble où circule une bonne énergie et où chacune se sent à sa place et bien.

Je les invite à exprimer des mots ressources, comme un cadeau de clôture : vibration, apaisement, fluidité, confiance, transparence, souplesse, tranquillité, amour, tenségrité (merci à Miwa pour ce mot que je ne connaissais pas), sérénité, racines, floraison, légèreté.

La séance est finie, les fiches se remplissent et on s’accorde sur le prochain rendez-vous dans une volonté d’aller vers l’ici et maintenant et dans la construction d’un futur, dépossédées des histoires du passé.

L’intensité de la séance se fait encore sentir par les mercis qui s’expriment. Elles partent le sourire apaisé.

Cette séance fut marquée par le beau et la grâce au point de m’inspirer une envie d’en écrire le récit, envie qui impulsera peut être d’autres récits…

Merci à vous Nansei (Douceur), Miwa (Paix, Harmonie) et Hoshi (Etoile) pour cette spirale vertueuse.

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